Cass. com., 7 mai 2025, n° 23-20.471
Pour la Cour de cassation, le créancier d’une société n’a pas qualité pour agir en désignation d’un administrateur provisoire de celle-ci.
1. Les faits
Deux sociétés étrangères, The Family Fellowship LLP et The Family Global Godfathers SPC, se prétendaient créancières de la société française Thelema. Elles alléguaient que cette dernière était instrumentalisée par son dirigeant, M. [U], pour dissimuler des agissements frauduleux. En invoquant des risques de fonctionnement anormal et de détournement d’actifs, elles ont sollicité la désignation d’un administrateur provisoire.
2. La procédure
La cour d’appel de Caen, par un arrêt du 29 juin 2023, a rétracté une ordonnance sur requête ayant désigné un administrateur provisoire. Elle a estimé qu’aucun trouble manifestement illicite ni aucun dommage imminent ne justifiait cette mesure. Les deux sociétés ont formé un pourvoi en cassation.
3. La question juridique
Un créancier d’une société peut-il demander la désignation d’un administrateur provisoire de cette société ?
4. La solution de la Cour de cassation
Par cette décision du 7 mai 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation répond par la négative.
Le créancier d’une société n’a pas qualité pour agir en désignation d’un administrateur provisoire de celle-ci.
Constatant que les demanderesses fondaient leur action sur leur seule qualité de créancières, la Cour déclare leur demande irrecevable.
En effet, il est jugé que :
« Le créancier d’une société n’a pas qualité pour agir en désignation d’un administrateur provisoire de celle-ci.
L’arrêt constate que les sociétés The Family Fellowship et The Family Global Godfathers se prévalent de leur qualité de créancières de la société Thelema au soutien de leur demande de désignation d’un administrateur provisoire de cette société.
Il s’ensuit que leur action n’est pas recevable. »
5. Portée de l’arrêt
Cet arrêt rappelle que l’administration d’une société relève de sa propre gouvernance, sous le contrôle des associés et, en cas de dérives, des juridictions saisies par ceux ayant qualité. En l’absence de texte spécial, un créancier ne peut s’immiscer dans la gestion interne d’une société en sollicitant la nomination d’un administrateur provisoire.
Cette décision vient donc limiter les pouvoirs des créanciers qui ne doivent pas s’immiscer dans la gestion de la société.
Les créanciers disposent d’autres moyens pour protéger leurs intérêts. Ils peuvent par exemple exercer une action paulienne ou prendre une mesure conservatoire pour bloquer un élément d’actif de la société débitrice le temps de la procédure mais les créanciers ne peuvent pas faire désigner un administrateur provisoire.
Par Olivier Vibert, avocat au barreau de Paris,