Dans un arrêt du 27 novembre 2024 (Pourvoi n° 23-13.795), la première chambre civile de la Cour de cassation a confirmé le caractère exécutoire en France d’une décision de la Cour de justice de Genève. Cette affaire s’inscrivait dans un cadre complexe impliquant des sociétés basées aux Îles Caïmans et des infractions reconnues en Suisse. Le cœur du débat portait sur l’application de la Convention de Lugano de 2007 à une décision civile rendue par une juridiction pénale étrangère. Rappel des faits Mme [K] et son époux, M. [E], étaient actionnaires de la société suisse Avendis Capital, créée en 2001. Cette société avait fondé un fonds d’investissement, Avendis Global Fund, composé de deux sociétés de droit des Îles Caïmans : Avendis Enhanced Fixed Income Trading Ltd (AEFI) et Avendis Global Strategies Trading Ltd (AGS). En 2020, la Cour de justice de Genève a condamné Mme [K] et M. [E] à indemniser solidairement ces sociétés suite à des infractions pénales reconnues, engageant leur responsabilité civile. Le tribunal judiciaire de Paris a déclaré cette décision exécutoire en France le 2 décembre 2021, ce qui a conduit Mme [K] à former un pourvoi devant la Cour de cassation. Les arguments soulevés Plusieurs moyens de cassation étaient soulevés : La position de la Cour de cassation La Cour rejette ces arguments pour les raisons suivantes : 1- Champ d’application de la Convention de Lugano : » L’article 1er, paragraphe 1er, de la Convention de Lugano de 2007 dispose : « La présente convention s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Elle ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives. » Pour la définition de son champ d’application matériel, la Convention n’opère pas de distinction entre son titre II, relatif à la compétence, et le titre III, relatif à la reconnaissance et l’exécution. Il s’en déduit que la matière des actions civiles portées devant les tribunaux répressifs entre dans le champ d’application de la Convention, tant en ce qui concerne le règlement de la compétence, que la reconnaissance et l’exécution des jugements rendus, à la suite de telles actions, par les tribunaux répressifs. Après avoir cité l’article 1er de la Convention, l’arrêt relève que le dispositif de la décision suisse émanant de la Chambre pénale d’appel et de révision comporte également des dispositions de nature civile, fondées sur les règles relatives à la responsabilité civile. De ces énonciations et constatations, abstraction faite du motif surabondant tiré de l’article 5 de la Convention, la cour d’appel a exactement déduit que la condamnation de Mme [K] par une juridiction pénale suisse au paiement d’indemnités, due en réparation de dommages subis par les sociétés AGS et AEFI, relève de la matière civile et entre dans le champ d’application de la Convention.« 2. Exécution de la décision étrangère : « Selon les articles 38 et 54 de la Convention de Lugano de 2007, sous réserve des motifs de refus énoncés aux articles 34 et 35, les décisions rendues dans un Etat contractant, et qui y sont exécutoires, sont mises à exécution dans l’Etat contractant requis, à la condition que la partie, qui sollicite la délivrance d’une déclaration constatant la force exécutoire, produise le certificat figurant à l’annexe V de la Convention. L’arrêt constate qu’il est établi, par certificat délivré le 22 octobre 2021, que la décision rendue par la Chambre pénale d’appel et de révision est exécutoire en Suisse. » Conclusion Par cette décision, la Cour de cassation confirme l’application de la Convention de Lugano aux condamnations civiles rendues par des juridictions pénales étrangères. La Cour de cassation fait ainsi une juste application de la Convention de Lugano. Par Olivier Vibert, Avocat associé, Paris Kbestan